En conservant notre idée de départ, nous avons décidé de changer de modèle et de vendre aux entreprises une solution de gestion de la satisfaction clients”, raconte Nicolas Hammer. Les professionnels sont séduits et leur premier client n’est autre que … Carrefour! Total signe juste après. Excusez du peu. Cinq ans après ce pivotage, la boîte continue de croître. Elle compte 70 salariés et une présence dans 30.000 points de vente. Pour réussir quand on est une jeune pousse, mieux vaut cibler le marché des entreprises que celui du grand public, quitte à avoir moins de notoriété.

D’ailleurs, en France, près de six start-ups sur dix reposent sur un modèle BtoB, d’après un baromètre Capgemini Consulting. Plusieurs d’entre elles sont devenues des pépites et des références sur leur marché. En voici les raisons.

Pas intimidées par la concurrence

Dans le BtoB, il ne faut pas avoir froid aux yeux. Il y a toujours une place à prendre. “Lorsqu’on lance un service BtoB, dans 99% des cas, il y a déjà un concurrent. Ce n’est pas une raison pour ne pas proposer une nouvelle offre si l’on ressent un besoin sur le marché”, affirme Firmin Zocchetto, le créateur de Payfit. Son domaine, celui des logiciels de gestion de paie et du personnel, est bien encombré. “Mais il n’existait aucune solution qui emporte l’unanimité.

A chaque fois que nous interrogions des responsables RH, des directeurs financiers, des comptables et des employés, ils évoquaient soit un manque de rapidité, soit une lourdeur des processus, soit des outils mal pensés. Cela nous a mis la puce à l’oreille, il y avait clairement un besoin. C’est pour cela que nous nous sommes quand même lancés”. Il met donc au point un logiciel de fiche de paie simple à faire fonctionner et rapide à mettre à jour. Et parvient ainsi à se tailler une jolie place sur ce marché évalué à 2,6 milliards d’euros (en 2017) par Markess. Après avoir démarré avec des startups (Heetch, Alan, Mercy Handy, etc.), Payfit compte aujourd’hui 2000 entreprises clientes, de toutes tailles. La société a levé 14 millions d’euros et recruté 160 collaborateurs.

Des revenus vite dégagés

L’un des secrets de la réussite dans le BtoB tient sans doute au fait que le chiffre d’affaires “rentre” beaucoup plus vite que lorsqu’on s’adresse au grand public. Facebook et Uber n’ont-il pas mis plusieurs années (et investit plusieurs centaines de millions de dollars) avant de gagner leur premier dollars de bénéfice? ”En dehors de quelques jeux et de divertissements, comme Netflix ou Spotify, les particuliers ne sont pas prêts à payer pour un service. En revanche, quand un service intéresse les entreprises, elles n’hésitent pas à signer un contrat et à faire un chèque”, souligne Thibaud Elzière, le dirigeant de Efounders, une société accompagnant les jeunes pousses dans le BtoB.

Fondateur de Zenchef, un service de réservation, Xavier Zeitoun a lui aussi démarré sa société en BtoC. Mais comme pour Critizr, le trafic n’était pas suffisant pour monétiser l’audience. Au bout de six mois, il se tourne donc vers les restaurateurs et leur propose une solution pour qu’ils puissent offrir la possibilité aux gens d’effectuer une réservation depuis leur Smartphone. ”Avant la première livraison, nous avions 50 chèques de clients. Nous leur avons dit : si ça fonctionne, on les encaisse”. Sept ans plus tard, il travaille avec 4000 établissements, chacun dépensant en moyenne 80 euros par mois. Une somme que peu de particuliers seraient prêts à verser pour un service, aussi utile soit-il. Reste que dans le BtoB, la décision d’achat peut parfois être un peu longue.

Elles ont su fidéliser leurs clients

Au fil des années, Talentsoft est devenue une véritable pépite française. Créée en 2007, la société a depuis levé 44 millions d’euros et compte aujourd’hui 600 collaborateurs, répartis dans 15 pays. Une croissance forte de son activité, 30% par an, portée par une fidélisation de la clientèle nécessaire, selon Jean-Stéphane Arcis, le fondateur de l’entreprise. ”Dans le BtoB, il est possible de décrocher des contrats longs, qui durent parfois plusieurs années et ainsi de fidéliser ses clients corporate. Cela permet d’être plus résilient aux changements du marché.

Nous démarrons ainsi chaque année avec une belle visibilité financière sur l’exercice à venir. Par exemple, l’an dernier, nous avons rapidement visé les 65 millions d’euros de chiffre d’affaires car avec les contrats des années précédentes en cours, nous savions que nous pouvions très vite les atteindre”. De quoi s’assurer des revenus réguliers et rendre le business plus serein. Une fidélité par nature plus facile à obtenir dans le BtoB que dans le BtoC selon Benoist Grossman, le président du fonds d’investissement Idinvest. ”Pour autant que le produit fonctionne bien, si le client est content, il n’en change pas. D’une part parce que ses salariés s’habituent vite à leur nouvelle solution et refusent de tout chambouler. Ensuite, parce qu’avec la généralisation du modèle SaaS (logiciel en tant que service), ses données sont stockées dans le Cloud et cela complique son départ”.

Elles se sont imposées auprès des grands

Au moment de la création de Klaxoon, en 2015, Matthieu Beucher, son fondateur, se rapproche de Thales, EDF, La Poste et la SNCF, pour leur proposer de tester son produit, un logiciel d’animation des réunions (avec des quiz, des sondages, des chats, etc.). ”Notre chance, c’est qu’un grand groupe compte beaucoup de directions et d’entités différentes. Il y a toujours des personnes prêtes à innover. Ce sont elles qu’il faut convaincre”, déclare l’entrepreneur qui a récemment noué un partenariat avec Microsoft pour qu’elle héberge Klaxoon dans Teams, son produit dédié au travail collaboratif et qui compte parmi ses utilisateurs, ”90% des entreprises du CAC40”.

Même schéma pour S4M qui s’est imposée auprès de nombreux grands groupes depuis sa création, en 2011. Il faut dire que sa technologie les intéresse: elle offre aux annonceurs la possibilité de tracer leurs investissements publicitaires et de les optimiser. Parmi ses clients : Bouygues, Mc Donald’s, Renault, Havas, ou encore AXA (elle revendique au total 700 entreprises clientes partout dans le monde). ”La grosse boîte est compliquée à bouger, avec ses process et ses habitudes. La start-up, elle, est agile et réactive. Dans la révolution du numérique, la seconde apporte à la premières de nouvelles compétences”, analyse Christophe Collet, le fondateur de S4M, qui compte désormais près de 200 salariés et serait rentable.

Des modèles d’obstination

L’aventure d’un créateur n’est jamais de tout repos. Pour Jonathan Anguelov, co fondateur d’Aircall, le plus difficile n’a pas été de trouver ses premiers clients mais bien d’élaborer sa solution de téléphonie professionnelle 100% cloud. ”Le plus compliqué a été de faire fonctionner le produit. Nous avons eu beaucoup de difficultés au début, avec des clients déçus et mécontents. Plusieurs fois au cours des premiers mois, nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas tout arrêter. Il a nous fallu beaucoup d’échecs et de travail pour parvenir à mettre au point notre produit actuel”, raconte le CEO. Il a bien fait de persévérer : en mai dernier, Aircall a levé 25 millions d’euros et compte aujourd’hui 3.000 clients et 160 salariés. Il aurait été dommage de ne pas s’accrocher.

Management et Capital sont partenaires du Salon des Entrepreneurs qui se tiendra les 6 et 7 février 2019 à Paris.

Klaxoon

Matthieu Beucher, fondateur et CEO. © Jean Claude MOSCHETTI/REA

En annonçant l’an dernier une levée de fonds de 50 millions de dollars et un partenariat avec Microsoft, Klaxoon s’impose comme l’une des pépites les plus prometteuses de l’Hexagone. Utilisée par 1500 clients à travers le monde dont “90% des entreprises du CAC 40”, sa solution d’animation des réunions fera désormais partie de Teams, l’appli de Microsoft dédié au travail d’équipe. Une belle reconnaissance pour la start up rennaise lancée en 2015.

  • Montants levés: 55,7 millions dollars
  • Salariés: 170

Aircall

Jonathan Anguelov et Olivier Pailhès, cofondateurs. ©Steve Jennings

“Avec notre solution, installer le téléphone d’un nouveau collaborateur est un jeu d’enfant: il suffit de télécharger un logiciel 100% cloud. Avec un produit aussi simple à comprendre, trouver des clients est assez facile”, raconte Jonathan. Les choses n’ont pas toujours été aussi évidentes pour cette jeune pousse qui compte aujourd’hui plus de 3000 entreprises clientes dans le monde. D’ailleurs, elle a bien failli mettre la clef sous la porte en 2015 après un an à peine d’existence. L’obstination de ses fondateurs à mettre au point un produit performant lui sauvera la mise.

  • Montants levés: 35 millions d’euros
  • Salariés: 160

Talentsoft

Jean-Stéphane Arcis, PDG et cofondateur. © Stéphane Remael pour Management

En un peu plus de dix ans, Talentsoft s’est imposé comme le leader européen des progiciels de ressources humaines: l’entreprise compte 2000 clients et plus de 8 millions d’utilisateurs. Un succès construit au fur et à mesure des fonctionnalités ajoutées à son offre: gestion du personnel puis paie, formation, recrutement, etc. “Avec une offre qui se décline comme une suite, on a toujours de la valeur supplémentaire à apporter aux clients”, résume son Pdg.

  • C.A: 65 millions € (2018)
  • Salariés: 600

S4M

Christophe Collet, cofondateur et PDG. ©DENIS/REA

S4M compte aujourd’hui 200 collaborateurs répartis dans 10 bureaux à travers le monde. Quel chemin parcouru pour cette start up lancée avec une dizaine de personne il y a 8 ans. Un succès dû à la qualité de son produit. “Notre outil de suivi des campagnes publicitaires sur mobile permet à nos clients (les agences et les régies pub) d’offrir aux marques et aux annonceurs de la lisibilité sur chaque euro dépensé lors d’une campagne. Nous sommes capables de dire combien de personnes ayant vu la publicité vont ensuite en magasin”, se félicite Christophe Collet.

  • Montants levés: 16 millions €
  • Salariés: 200

Avec capital