La capacité des chefs d’entreprise et des managers à faire un mea culpa sincère affecterait-elle directement les performances de leurs équipes et de leur société ?

En septembre 2015, Leanne ten Brinke (université de Berkeley) et Gabrielle S. Adam (London Business School) ont publié dans une revue de sociologie des organisations une étude sur l’impact du mea culpa des dirigeants sur le cours de Bourse de leur société. Elles ont analysé seconde par seconde le visage de dirigeants filmés entre 2007 et 2011 alors qu’ils faisaient leur mea culpa public. Le constat est sans appel : le cours de Bourse chute lorsque la personne s’excuse en souriant, car son repentir semble alors manquer de sincérité.

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Capitaine à bord

“Un manager qui n’admet pas ses erreurs le paiera cher sur les plans individuel et collectif, assure Eric Goulard, un coach expert en communication non verbale et crédibilité. Le mea culpa est une façon de rappeler que le capitaine est toujours à bord, même s’il a commis une erreur de cap.” A condition, on l’a vu, que son discours apparaisse sincère. Mais aussi qu’il ait choisi le moment propice pour le prononcer…

Le bon timing

L’idéal serait de pouvoir reconnaître ses torts sur-le-champ, au moment où l’erreur est débusquée. Ainsi, au cours d’une réunion, si une personne absente est accusée à votre place du retard accumulé sur un dossier, prenez immédiatement la parole pour dire : “L’erreur vient de moi, je ne lui ai pas fourni les éléments nécessaires à temps.”

A défaut, en effet, la personne absente ne manquera pas de combler votre silence à son retour. Avec à la clé, pour vous, un effet double peine, puisque seront ainsi dévoilés tout à la fois votre erreur et votre manque de courage. Et si, comme cela se produit souvent, l’échec ne s’est révélé que quelques semaines après la mise en application d’une de vos décisions, c’est une raison de plus, pour vous, de faire amende honorable le plus vite possible.

Montrer que vous savez réagir rapidement est votre meilleure chance de sortir par le haut d’une situation qui, sinon, pourrait s’enliser et devenir embarrassante.

Les yeux dans les yeux

Si, par un mot malheureux, vous avez blessé quelqu’un publiquement, en réunion par exemple, demandez-lui pardon en tête à tête. Dans son bureau ou dans le vôtre, mais surtout pas à la machine à café ni au détour d’un couloir. Et n’attendez pas que vos excuses soient acceptées dans l’heure. “S’il n’est pas simple de faire son mea culpa, il n’est pas non plus toujours facile pour la personne en cause de passer l’éponge”, rappelle Evelyne Platnic Cohen, la fondatrice de Booster Academy (formation à la vente).

Quoi qu’il en soit, lors de la réunion suivante, ne revenez pas sur le fâcheux épisode, mais regardez cette personne dans les yeux pour lui montrer que vous vous souvenez de votre erreur et que votre mea culpa était sincère.

Humilité, authenticité

“Le jour où vous faites acte de contrition, soyez humble”, insiste Antoine Spath, psychologue et auteur de Ne plus se laisser manipuler (éditions Leduc. s). Habillez-vous sobrement et n’ayez pas peur d’avoir l’air triste. Mais sans paraître non plus fébrile : pas la peine de vous tordre les mains à vous en décrocher les poignets.

En revanche, une larme à l’œil peut être du meilleur effet “si elle est sincère et contenue, si elle touche vos interlocuteurs sans les mettre mal à l’aise, comme pourraient le faire des sanglots ou une posture masochiste de repentir douloureux”.

Bref, soyez authentique : “Un peu d’émotion à ce moment-là n’est pas un aveu de faiblesse mais une marque d’humanité et de sincérité.”

Eléments de langage

Sur la forme, face aux équipes, soyez solennel. Préférez un “J’ai commis une erreur” à un “Je m’excuse”, plus péremptoire. “Ce n’est pas à vous de vous excuser, mais aux autres de vous accorder leur clémence en leur for intérieur”, précise Jean-Marc Sabatier, de Celionscoaching.com.

Décrivez ensuite votre erreur de façon factuelle et évoquez la gêne qu’elle a pu occasionner. Dites en substance : “Voilà ce que je voulais faire, mais voilà ce qui s’est passé.” Le discours à proscrire : “Il y a eu une erreur, mais ce n’est pas ma faute parce que ceci ou cela…” Si vous pensez que vous n’êtes pas responsable, c’est que vous n’êtes pas mûr pour présenter vos excuses. Mieux vaut vous taire plutôt que de renvoyer la responsabilité vers d’autres.

Enchaînez en montrant que vous avez pris le temps d’analyser vos manquements. Par exemple : “Je reconnais que, pour ces questions organisationnelles, il faudrait une meilleure concertation de toutes les parties prenantes.” Terminez en insistant sur le fait que vous avez appris de votre erreur et qu’elle ne se reproduira plus.

S’engager à faire telle chose “à l’avenir” et affirmer que “dorénavant”, les choses se passeront de telle façon est un excellent moyen d’y parvenir.

Exercice fructueux

Alors, magique, le mea culpa ? Plutôt, oui. Bien sûr, l’exemplarité managériale impose des limites : passer votre temps à vous excuser ne peut que vous nuire, à la longue. Même si Evelyne Platnic Cohen soutient qu’on peut s’excuser “autant de fois que nécessaire, à condition de ne pas le faire toujours pour les mêmes erreurs”.

Une chose est certaine : le mea culpa permet d’avancer. Un bon manager ne peut pas supposer que tous les problèmes viennent toujours d’autrui.

Jean-Marc Sabatier, coach et fondateur de Celionscoaching.com

© Celionscoaching.com

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“Assumez toujours vos torts face à vos collaborateurs. Vous les encouragez ainsi à faire de même et obtenez une plus grande qualité dans les échanges. Une équipe qui communique sur ses zones de vulnérabilité est une équipe plus soudée, qui analyse ses difficultés et dont les performances peuvent progresser.”

Etats-Unis : 150 mea culpa passés au crible

L’an dernier, le Journal of Corporate Finance (une revue américaine) a analysé à la loupe 150 annonces de mauvaises performances diverses au sein d’entreprises.

Lorsque les causes d’un échec sont imputées à la conjoncture, aux marchés internationaux et à des raisons extérieures aux dirigeants, les mauvaises performances perdurent. Mais dès lors qu’elles sont assumées sur un plan managérial, les investisseurs soutiennent l’entreprise dans les semaines qui suivent et, en interne, les équipes se mobilisent plus vite pour tourner la page et redresser la situation.

Avec management